L’impact de l’IA sur la pratique du droit
A l’instar d’autres secteurs, l’irruption de l’Intelligence Artificielle dans le domaine juridique a pu susciter questions et inquiétudes. Avocats et juristes s’interrogent, à juste titre, sur l’impact de l’IA sur le devenir de leurs professions.
Force est de constater qu’à l’instar d’autres secteurs, la matière juridique se prête à l’apprentissage que requiert l’IA, ce qui doit amener les professionnels à redéfinir l’exercice de leur métier.
La matière juridique se prête à l’IA
C’est un reproche qu’on entend parfois chez les professionnels du droit. Une “machine” serait incapable de reproduire un raisonnement juridique. Pour répondre sur ce point, retour sur les fondamentaux. Le raisonnement juridique s’appuie principalement sur deux étapes : la qualification juridique, d’une part, l’analyse juridique, d’autre part.
La qualification juridique traduit une situation de fait en une situation juridique. Exemple. Imaginons un artisan qui doit faire des travaux à votre domicile et qui malgré vos relances ne s’exécute pas dans les temps. Dans cette situation, la qualification consiste à identifier un créancier (vous), un débiteur (l’artisan), la nature de votre relation (ici, une relation contractuelle) et la demande (action en exécution).
L’analyse va permettre d’opter pour la réponse juridique adaptée à la situation. Dans notre exemple, le juriste ou l’avocat conclura que son client est en droit d’agir en exécution forcée ou de demander le remboursement des sommes versées selon les articles 1221 et suivants du Code civil.
Aujourd’hui, les techniques de l’IA utilisées en termes de compréhension des données (NLP), d’analyse rapide de ces données et d’apprentissage de modèles sont applicables au travail de qualification et d’analyse. En s’appuyant sur de nombreux exemples, préalablement sélectionnés, une machine peut ainsi produire une analyse juridique tout à fait acceptable.
A l’instar de l’enseignement des humains, le défi principal réside dans la qualité des supports d’apprentissage ainsi que des méthodes utilisés pour rendre intelligente la machine.
Une rédéfinition inévitable du rôle du juriste et de l’avocat
Dès lors que la machine est à même de fournir un raisonnement juridique, se pose la question de la place et du rôle du praticien dans le processus de prise de décision. C’est ici qu’il convient de préciser la véritable plus value de l’IA.
L’intérêt principal de l’IA est qu’elle est capable d’assimiler rapidement un nombre de données bien plus important que le cerveau humain et sur cette base de fournir un raisonnement. Ainsi les outils d’IA dits, de manière erronée, de justice prédictive intègrent dans leur apprentissage des dizaines de milliers de décisions de justice.
Pour autant, même s’il intègre une multitude de données, le résultat final proposé par la machine a une valeur relative. L’IA n’entend pas fournir une vérité, ce qui serait contraire à l’essence même de la pratique du droit qui suppose le contradictoire et qui implique de prendre en compte les particularités de chaque situation présentée.
Dans ces conditions, il appartient au professionnel de “challenger” l’analyse en tenant compte notamment de ses propres connaissances, du contexte relationnel de l’affaire et plus largement de tout autre élément qu’il serait plus à même d’appréhender que la machine.
C’est également au professionnel que reviendra la décision finale sur la stratégie à adopter dans son dossier.
Aujourd’hui, le praticien doit donc comprendre ce que l’IA peut apporter dans sa pratique au quotidien, à la fois pour en exploiter au mieux le potentiel mais aussi pour lui permettre d’affirmer son rôle, essentiel, en terme de conseil et de stratégie.